Le jeu du chat et de la [chauve-]souris | Bruce & Selina

@selina kyle

« Monsieur, Miss Kyle pour vous. » parvient à l’oreille de Bruce. L’homme, concentré depuis de nombreuses heures sur l’écran qui se trouvait sous son nez, leva enfin les yeux vers son majordome. Parler du dîner de ce soir, ou même tenter de converser avec le chevalier noir, n’avait pas su faire le même effet, était ce que pensait Alfred, mais seul parler de cette femme était visiblement suffisant. Il se retint le moindre commentaire, pourtant, et s’effaça presque aussitôt. « Elle vous attend en haut, au petit salon. » il rajoute seulement en partant. Le regard de Bruce suit le vieil homme, jusqu’à ce qu’il disparaisse de l’entrebâillement de la porte, et se concentre de nouveau sur l’écran. La tête pleine de pensées, il marque une pause. Il réfléchit. Il réfléchit aux derniers événements. Le justicier qui avait juré de ne jamais tuer, se trouvait actuellement accusé du meurtre d’un individu dont le nom ne lui disait rien. Bafouer son honneur lui faisait un mal de chien, réveillait ses démons, et pourtant, à la grande surprise de la majorité, il n’avait encore rien fait. Il cherchait, très certainement, qui aurait été susceptible de le mettre dans un pétrin pareil. De déductions en déductions, il n’arrivait pas à voir clair dans le jeu de l’inconnu qui avait osé se glisser dans sa peau.

Finalement, il soupire. Cette histoire le préoccupe, évidemment. Il se préoccupe bien trop facilement des choses qui se déroulaient autour de lui, de toute manière. Ses deux mains vinrent agripper le bout du bureau, exerçant une pression qui le poussa doucement en arrière, et il se contente de laisser l’empreinte de ses fesses sur le cuir du fauteuil. Il se tourne une derrière fois vers la batcave, avant de se diriger à l’étage. A son passage, il lance un regard à Alfred, posté dans la cuisine, un verre à la main et un torchon dans l’autre. Il traverse le hall, et rejoint enfin cette silhouette familière. « Bonsoir, Bruce. Ça fait longtemps. », elle brise la glace la première. Bruce, lui, reste à l’encadrement de la porte, les paumes embrassant le tissu à l’intérieur de ses poches. « Selina. », il prononce simplement d’un ton poli. Ses yeux osent se balader sur l’ensemble de sa robe, jusqu’à ses pieds, avant de se redresser vers le visage de la féline. « Cette robe est jolie. Elle te va bien. » Il se déplace dans la pièce, et vint s’asseoir sur le canapé qui faisait face à celui dans lequel elle s’installait. « Que fais-tu ici ? »

@selina kyle

Selina, c'est une histoire qui remonte d’il y a déjà bien longtemps. De nombreuses années se sont écoulées depuis leur première rencontre. Ils ont, souvent, été amenés à se croiser au cours de leurs différentes carrières. Les choses ont fini par dégénérer une fois, puis deux, et ça a continué sur cette lancée. Bruce abandonnait sa raison ne serait-ce que pour passer dans les bras d’une femme qui ne cessait de le surprendre. Et chaque fois, il se jurait de ne plus recommencer. De ne plus s’adonner à son petit jeu. Oui, il est loin d’imaginer être plus qu’un simple petit jeu pour la féline. Et pourtant, il se surprend encore à camoufler des ressentis inavoués à son égard, des ressentis qu’il refoule, qu’il refuse même de se murmurer à lui-même. Les choses sont assez compliquées, ce ne serait que rajouter une couche à une multitude de problèmes qui lui taraudent l’esprit. Pourtant, ses yeux ne peuvent s’empêcher de se balader sur ces formes bien connues, des formes qui créent chacun de ses fantasmes. Des fantasmes auxquels il s’était déjà adonné en sa compagnie, autrefois.

« Tu ne m'offres pas de verre ? Je suis donc si malvenue ici ? » Lentement, il tourne son regard vers le bar situé à un bout de la pièce, et il se redresse. Il s’y dirige, attrape deux verres et une bouteille de whisky qui traînait dessus, avant de remplir les deux récipients. Sans rajouter le moindre mot, il reprend son silencieux périple en la rejoignant, et lui tend son verre. « J'étais au gala de monsieur Machinchose et comme tu n'as pas fait d'apparition, je suis venue voir comment tu allais. » Son autre main, elle, vint mener le sien à ses lèvres, où il s’empresse d’y boire une gorgée. « Monsieur Clayton. », il corrige. « J’avais du travail. Qu’est-ce que tu es réellement venue faire ici, Selina ? » Elle semble éviter sa question, une question pourtant si simple. Il la voit fouiller dans son sac, le visage demeurant impassible, les yeux dévorant chacun de ses mouvements. « Je t'ai ramené un petit cadeau du coup. » L’objet, de valeur évidemment, pend à ses doigts, et il fronce les sourcils. « Tu ne vas pas appeler la police, dis-moi ? » Bruce lâche un soupire ; elle ne changera donc jamais. Il se penche pour poser son verre sur la table basse, et arrache doucement la montre des doigts de son interlocutrice. « Je ne sais pas à qui tu l'as dérobé, mais tu devrais la rendre à son propriétaire. »

Bruce, il pose l’objet sur la table basse, à côté de son propre verre et sous le nez de Selina, pour lui permettre de reprendre le bien. Il reprend ce qui lui appartient, garde une main dans la poche de son pantalon, et porte de nouveau son verre à ses lèvres. Tout le long, il la toise, de nouveau silencieux. Il est pensif, Bruce. Il se demande toujours quelles sont ses motivations, ce qui l’a poussée à venir jusqu’ici aujourd’hui. Il est persuadé qu’il y a autre chose. Elle ne peut pas être ici juste pour se renseigner sur comment il se porte. « Ce serait plutôt à toi d’appeler le GCPD, tu ne penses pas ? », il reprend. « Tu as certainement dû voir la prime qu’ils offriraient à celui qui leur servirait Batman sur un plateau d’argent. » Finalement, il daigne s’asseoir à ses côtés, et observe la moindre de ses réactions. « Tu me penses coupable ? », il finit par oser demander.

@selina kyle

Cette histoire, ça le rongea. Il déteste être traîné dans la boue, mais traîné pour quelque chose qu’il ne ferait jamais, c’était encore pire. On le voit comme les autres, comme tous ces criminels, fous dangereux tous droits sortis de Blackgate et d’Arkham. Les gens pensent, sûrement, qu’à force de les côtoyer, qu’à force de les renvoyer constamment derrière les barreaux il aurait, lui aussi, perdu un morceau de son esprit. Bruce, Batman, est dangereux ; personne ne pouvait le nier. Mais il a ses limites, des limites qu’un clown a bien comprises. Des limites qu’il refuse de dépasser ; si tu tues un tueur, le nombre de tueurs sur terre reste le même. Bruce n’en est pas un, et il ne le sera jamais. Mais le monde, autour de lui, pense le contraire. Pourtant, Selina n’est visiblement pas du même avis. « Bruce… Si je te pensais coupable, tu penses réellement que je serais venue chez toi ? Sans armes ? » Le concerné lève les yeux au ciel, et daigne enfin afficher un sourire en coin. « On ne sait jamais, tu es imprévisible. »

Au final, ça le rassure. Ça le rassure beaucoup, Bruce. Il sent la main de Selina se promener, mais il n’en fit rien. A dire vrai, elle est bien la seule personne à laquelle il permettait de tels gestes. « Tu n’as jamais été capable de me livrer aux flics, alors tuer quelqu’un ? » Les yeux du chevalier se perdent dans le vague, tandis que ses oreilles accueillent chacune de ses paroles. « Et quand bien même tu tuerais un homme, je sais que tu ne te ferais pas prendre. » A sa remarque, il souffle du nez, et esquisse un petit sourire en coin. Il repose, finalement, le regard sur son visage. Un visage qu’il détaille. « Ne me regarde pas comme ça, je sais que tu restes un homme bon malgré tout. » Il soupire de confort ; entendre ses paroles lui fait du bien. Son sourire s’évanouit, et il semble ne plus pouvoir quitter des yeux la féline. Instinctivement, ses mains viennent se poser sur chaque extrémité du visage de Selina, et il plonge son regard, cette fois-ci, dans le sien.

Il sait ce qui se cache derrière la jolie femme. Il n’est pas dupe, et il a su la cerner il y a bien longtemps de cela. Derrière ses grands airs fiers, il la connaît ; elle est bien plus sensible qu’elle ne laissait paraître. Et Bruce, il n’est pas dupe. Il cherche à briser sa carapace de fierté, il cherche à l’atteindre. C’est de cette femme, dont il est amoureux. De cette femme, qui hante ses pensées, tard dans la nuit, qui danse parmi mille et unes pensées. « Tu sais pourquoi je n’ai jamais eu le courage de te livrer à Gordon. », il affirme. Bien sûr, qu’elle sait. Il pose son front contre le sien, et ferme les yeux. Étrangement, sa présence l’apaise. « Je suis tellement fatigué. », il lui avoue. Ces derniers jours n’ont pas été faciles, pour un homme dont l’esprit refuse de se reposer. Son cerveau, toujours en marche, travaille sans la moindre pause. Et Bruce, il est tellement fatigué ; tellement fatigué qu’il serait capable de s’endormir, là, dans les bras de la féline.